Maison à part : Qu'est-ce qui a fait que vous êtes devenu designer ?
Noé Duchaufour-Lawrance : Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs dans mon enfance et mon adolescence. A l'âge de 12/13 ans, je me rappelle avoir dessiné un bureau et avoir énormément apprécié le fait de penser à un objet. Ma mère étant professeur de dessin, je lui ai montré mon esquisse et avait attiré son attention. Elle a été la première à me parler du métier de designer et à évoquer des écoles où l'on pouvait se former à cette profession.
Mon père, lui, qui était sculpteur, a également joué un rôle déterminant dans mon orientation. Je ne l'ai malheureusement pas connu mais je sais qu'inconsciemment, j'ai voulu m'inscrire dans ses pas, prolonger la voie qu'il avait commencé à tracer.
MAP : Vous souvenez-vous de votre toute première création ?
N. D-L : Une tâche de peinture sur la moquette de ma chambre à l'âge de deux ou trois ans ! Non, je plaisante bien sûr ! La toute première création dont je me souviens est une peinture qui représentait une sorte de bateau de viking. Vers neuf ans, j'étais passionné par les motos et j'ai entrepris de dessiner mon véhicule idéal. Il s'agissait d'une mobylette toute équipée d'une chaîne hi-fi, d'un siège enfant à l'avant, d'une caravane et d'une fosse septique à l'arrière ! Ne me demandez pas pourquoi une fosse septique : je n'en sais rien !
MAP : Y a-t-il une rencontre qui a été déterminante au début de votre carrière ?
N. D-L : Non, je n'ai pas vraiment fait de rencontres déterminantes au début de ma carrière par contre, il y a eu des figures que j'ai admirées : Philippe Starck, Ron Arad...
N. D-L : Pour moi, le designer est quelqu'un qui doit essayer d'harmoniser les choses qui nous entourent, de mettre de l'ordre dans tous les flux - flux d'informations, de désirs, d'envies, etc. -qui nous submergent. Nous vivons actuellement dans un relatif chaos et il est de la responsabilité du designer de tenter de le débrouiller en y apportant sa sensibilité. Il tend à nous ramener à une certaine évidence.
MAP : Quel métier auriez-vous voulu faire si cela n'avait pas été celui-là ?
N. D-L : Quand j'étais enfant, je rêvais de devenir une star de cinéma. J'ai compris plus tard que ce n'était pas un métier !
MAP : Quelle est votre devise dans la vie ?
N. D-L : Ma devise, c'est l'honnêteté.
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En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
En aparté avec Noé Duchaufour-Lawrance
Marino Ramazzotti © Marino Ramazzotti
MAP : Quel est le projet dont vous êtes le plus fier ?
N. D-L : Ce n'est vraiment pas facile de répondre à cette question car je suis fier de tous mes projets. Chaque projet est une expérience différente avec sa propre histoire et son lot de rencontres. Après, il y a toujours une petite insatisfaction. On a toujours envie de retoucher des choses en permanence, même lorsque l'objet est là devant nous. Ce besoin s'explique par l'envie d'aller en permanence vers la perfection or, la perfection est une notion très relative.
MAP : Y-a-t-il un projet un peu fou que vous rêvez de réaliser ?
N. D-L : Pour moi, aucun projet n'est fou dans le sens où tout est réalisable. Ce n'est qu'une question de temps.
MAP : Quel est l'objet dont vous auriez aimé être le créateur ?
N. D-L : Il n'y a pas d'œuvre dont j'aurais aimé être le créateur mais plutôt des créations devant lesquelles j'applaudis des deux mains et je m'incline.
"La super Leggera" de Gio Ponti, par exemple, ou encore
"La Chaise" de Charles et Ray Eames. J'aime tout dans ces créations : leurs matériaux, leurs formes d'une pureté absolue...
MAP : La création idéale pour vous, c'est ...
N. D-L : C'est d'abord une belle rencontre. Ensuite, c'est de la justesse dans le propos, dans les intentions, c'est aussi de l'efficacité et du plaisir, même si, souvent, le processus d'élaboration est laborieux.
MAP : Si une de vos créations pouvait parler, qu'aimeriez-vous qu'elle vous dise ?
N. D-L : En fait, je n'aimerais pas forcément qu'elle ne parle pas, mais plutôt qu'elle parle en même temps que moi, qu'elle se fasse l'écho de ce que je dis !
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En aparté avec Noé Duchaufour-Lawrance
En aparté avec Noé Duchaufour-Lawrance
Roberto Frankenberg © Roberto Frankenberg
MAP : Considérez-vous votre art comme de l'art ?
N. D-L : Non, pas du tout, pour la simple et bonne raison que dans l'art, il n'y a pas de notion de fonction. Et puis, avec le design, nous mettons une partie de nous chez les gens certes, mais elle ne prend pas le dessus sur notre création. Alors que dans l'art, c'est l'inverse : l'ego de l'artiste dépasse tout.
MAP : Votre métier, un vecteur d'engagement, un outil pour faire passer un message ?
N. D-L : Bien sûr ! Il est tout à fait normal selon moi que le designer essaye de traduire ses idées dans son travail. D'ailleurs, je me débrouille toujours pour faire passer les miennes, mais toujours de manière discrète. Mes messages ne dictent pas des comportements car je ne suis pas un donneur de leçons, ils relayent simplement des valeurs universelles. Après, il faut relativiser l'importance du designer et des objets. Si demain on arrête de fabriquer des chaises, ce n'est pas grave.
N. D-L : Nous travaillons actuellement sur beaucoup de projets en même temps : la rénovation du restaurant « Le Ciel de Paris », au dernier étage de la Tour Montparnasse, l'élaboration de pièces de mobilier et des luminaires pour Cinna, Zanotta mais aussi pour de plus petites maisons d'édition comme Forestier ou Meta. Parallèlement, nous poursuivons également notre travail avec Yves Saint Laurent Beauté. En 2009, nous avons redéfini toute sa carte architecturale et il nous a été demandé cette année de concevoir le stand beauté YSL dans le nouvel espace beauté du Printemps. Bref, je travaille à des échelles très différentes et je partage mon temps entre projets d'architecture et créations design.
N. D-L : Je voudrais revenir sur l'importance des notions de sagesse et de raison. Selon moi, elles devraient prévaloir dans le design or, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Il y a encore beaucoup trop de débordements à mon goût. Arrêtons de complexifier le monde dans lequel nous vivons, il l'est déjà assez comme ça !
Pour savoir un aperçu des différentes réalisations et créations de Noé Duchaufour-Lawrance, cliquez en pages suivantes.
En aparté avec Noé Duchaufour-Lawrance
Fauteuil Derby - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Fauteuil Derby - Marino Ramazzotti © Marino Ramazzotti
Création de Noé Duchaufour-Lawrance pour Zanotta, 2009.
"Ses coutures et ses formes s'inspirent directement de l'univers de la sellerie, d'un métier, des hommes, et du rêve qui accompagne le monde hippique, celui des grandes évasions parfois solitaires", explique le designer.
Fauteuil Derby - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Table Deriva - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Ceccotti Collezioni © Ceccotti Collezioni
Présentée lors du salon de Milan 2011, cette table est présentée par son créateur comme
"une pure réminiscence entre iode et bois mouillé". "La dérive en bois est l'élément central d'une vielle planche à voile Dufour sur laquelle j'ai appris à naviguer dans la baie de Morlaix. Elle se mêle intimement aux images des coques de vieux gréements croisées sur les chantiers du port de Dournanez et plus loin lors de mes voyages", explique
Noé Duchaufour-Lawrance.
Une pièce conçue pour Ceccotti Collezioni.
Table Deriva - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Chaise Corvo - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Bernhardt Design © Bernhardt Design
"Une assise se lit de plusieurs façons. L'arrière d'un fauteuil est souvent la partie que l'on découvre en premier, ensuite vient l'assise. C'est en me basant sur ce principe de dualité intrinsèque à cet objet que j'ai dessiné Corvo", confie le designer.
A noter que cette création, qui a été conçue pour l'éditeur américain Bernhardt Design, a été récompensée par un Red Dot Design Award dans la catégorie Product Design 2011.
Chaise Corvo - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Fauteuil Benz - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Assise issue de la collection Benz, conçue pour Fasem en 2011. Cette dernière est un clin d'oeil aux modèles des années 70 de la célèbre marque de voitures allemande et à ses sièges moelleux.
Fauteuil Benz - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Table Duales - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Cette table a la particularité d'avoir été conçue à partir de fibres de lin.
"J'ai voulu mettre en avant la charge émotionnelle de ce matériau : une fibre aux couleurs et aux irrégularités naturelles, chaleureuses, mais qui en même temps réfère par sa mise en forme à d'autres matériaux composites à l'aspect plus technologiques tel que le carbone", explique Noé Duchaufour-Lawrance.
Table Duales - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Le Sketch - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
2002 : Noé Duchaufour-Lawrance s'occupe du Sketch, un restaurant/salon de thé et bar, situé en plein cœur de Londres. Le designer ose un intérieur futuriste dans une demeure classée du XVIIIème siècle.
Le Sketch - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Le Senderes - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Le Senderes - Roberto Frankenberg © Roberto Frankenberg
2005 : Noé Duchaufour-Lawrance orchestre la rénovation du restaurant du chef Alain Senderens. Tout en respectant le style art nouveau du lieu, il y introduit de la modernité
"pour l'accorder aux mouvements suscités par des nouveaux désirs de consommations gastronomiques".
Le Senderes - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Galerie BSL - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Galerie BSL © Galerie BSL
2010 : Noé Duchaufour-Lawrance imagine la galerie BSL. "J'ai reconsidéré l'incontournable white cube un modèle pensé pour l'art contemporain, donc peu adapté aux besoins d'une galerie de design. J'ai proposé une spirale séquencée de Corian blanc, sculpture fonctionnelle extrapolée aux dimensions d'une architecture.
Cette structure devient le premier objet posé dans la galerie", explique le designer.
Galerie BSL - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Fauteuil Cala - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance
Une création pour Zanotta, 2010
Le commentaire du designer :
"le travail des courbes, des détails, des surpiqûres racontent à la fois la richesse d'un savoir-faire, mais aussi la sensualité et la puissance du monde animal et végétal, par la matière cuir et la fluidité des formes s'interprénétrant. Cette dualité entre force et sensibilité est à l'image même de l'objet".
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Fauteuil Cala - En aparté avec... Noé Duchaufour-Lawrance