L'agent immobilier fait évoluer son métier

    Publié le 28 mai 2010 par M.D.
    Un temps mal vu puis victime de la crise, le métier d'agent immobilier semble se renouveler à mesure que le secteur du logement, les normes et les technologies évoluent. Les réseaux s'organisent afin de se rapprocher de leurs clients, vendeurs et acquéreurs, dans un marché qui, après la décennie de hausse des prix et la crise, est devenu plus favorable à des acheteurs désormais informés et exigeants. Profil de l'agent immobilier de demain...
    La crise immobilière aura peut-être finalement un effet positif, celui de renouveler le métier d'agent immobilier, une profession où les dérives ont été accentuées par l'explosion du nombre de personnes ouvrant une agence par opportunisme à une époque où l'argent semblait rapide et facile dans ce secteur. Il y a un an, en juin 2009, un baromètre établi par Guy Hoquet l'immobilier avec l'Ifop faisait apparaître que 68% des Français avaient une mauvaise opinion de l'agent immobilier.
    Une crise plus tard, avec des transactions en baisse et plusieurs milliers d'agences ayant dû mettre la clé sous la porte, la profession semble toutefois plus optimiste que jamais. "Il y a eu un bon nettoyage qui, à notre avis, a été une bonne chose. Ceux qui pensaient que l'immobilier était une manière de gagner de l'argent facilement et qui n'avaient pas de méthodes de travail ont disparu", indique François Gagnon, président du réseau Era pour la France et l'Europe. "Notre intérêt est que la vente se fasse bien sûr, mais dans de bonnes conditions : car il ne faut pas oublier que l'acheteur d'aujourd'hui est le vendeur de demain".

    Savoir communiquer

    Les actions des réseaux immobiliers pour perfectionner leur service au client se multiplient. Alors qu'Elyse avenue met l'accent sur le coaching et la communication interne telle que la hot-line juridique pour "permettre des échanges permanents afin d'optimiser les performances de chacun", Century 21 réunit acquéreurs, vendeurs, bailleurs, locataires et professionnels lors de ses "Soirées apérimmos", organisées dans les agences. L'idée est de créer une atmosphère conviviale pour faciliter la rencontre entre tous ces acteurs, "pour apporter un service nouveau, utile et efficace", indique le réseau. Trois éditions de cette opération ont déjà eu lieu, dans différentes villes. "Il y avait une époque où l'agent disait : c'est moi le professionnel, laissez-moi faire, je m'en occupe. C'est fini, car désormais, n'importe quelle personne a accès à un tas d'information. Le rôle de l'agent immobilier n'est donc plus d'apporter l'information, mais d'aider le client à l'interpréter et à faire le tri", estime François Gagnon. Une exigence de conseil et de qualité qui se traduit aussi dans les nouveaux mandats proposés : le réseau Era propose désormais le mandat exclusif, qui est moins un engagement de résultat que de moyens mis en place pour vendre le bien.

    Développer les services

    La profession travaille donc à une meilleure communication entre les agents et leurs clients, et cela passe par la veille. Sujet d'actualité, les évolutions des normes environnementales (lire page trois de cet article) sont scrutées par les professionnels, même si pour le moment, l'obligation de respecter ces normes n'est pas légiférée. Il n'empêche que les acquéreurs sont très attentifs à la qualité environnementale du bien, ou à la somme de travaux à réaliser afin de rendre un logement mieux isolé, et moins consommateur d'énergie. "Le premier critère de choix est la performance énergétique, alors que ce n'était pas le cas il y a encore un an", observe Thierry Cheminant, directeur de formation au sein de la Fnaim. Cette tendance, si elle se confirme, pourrait renforcer des liens entre l'immobilier et l'artisanat. Car en plus du diagnostic énergétique, ce sont des devis d'amélioration des logements que les agents immobiliers devront proposer aux futurs acquéreurs. Pour François Gagnon, c'est surtout "la technologie qui va pousser le métier. On aura bientôt accès en quelques minutes à des comparateurs de taux de crédits, ou de devis pour effectuer les travaux". Selon lui, ces techniques permettront aux professionnels de travailler plus vite, "mais il ne faut pas craindre que la technologie remplace l'agent immobilier, car de plus en plus, on saisit l'importance de comprendre le client, de lire entre les lignes et d'avoir un rôle de consultant. Et ça, l'ordinateur est incapable de le faire !"
    L'agent immobilier fait évoluer son métier

    Thierry Cheminant, Fnaim : «On ne vendra plus un bien comme on l'a fait avant»

    thierry cheminant FNAIM
    thierry cheminant FNAIM
    Thierry Cheminant est directeur de formation au sein de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Il analyse les effets de la crise sur le métier d'agent immobilier, et les mutations actuelles et futures de cette profession.
    Maison à part : La crise a-t-elle permis de faire le tri entre les agents immobiliers "sérieux" et les autres ?
    Thierry Cheminant :
    Il est indéniable que la crise a entraîné la défaillance d'agences, et de nombreuses succursales ou cabinets secondaires ont fermé. L'activité de transaction a été fortement impactée dès 2007. Avec 30% de ventes en moins, logiquement l'activité a aussi baissé de 30%. Souvent, ce sont les plus récentes qui sont les plus fragiles, celles avec une connaissance de l'immobilier très parcellaire qui étaient venues plus par opportunisme que par réel projet dans l'immobilier. Tant que les gens achetaient n'importe quoi à n'importe qui, ça allait. Mais lorsque la crise a commencé, elle a engendré 3.000 à 4.000 fermetures.
    Maison à part : Est-il plus facile de résister à la crise lorsque l'on est adossé à un réseau ?
    T.C. :
    Ce que l'on a vu pendant cette crise, et c'est historique quels que soient les métiers observés : ceux qui portent le logo d'un réseau ont moins souffert que les autres. Il y a d'une part l'image de marque, la force du logo. Et puis, dans un réseau il y a un prix d'entrée, donc on est plus vigilant. De plus, les réseaux ont des superviseurs qui conseillent, orientent, soutiennent. La force des réseaux, c'est aussi la communication au niveau national, les obligations de formation... le réseau a plutôt tendance à tirer vers le haut, en tout cas il n'a pas nuit.
    Maison à part : Le développement des moyens de communication, au cours de ces dix dernières années, a-t-il changé les attentes des clients, ou leurs relations aux agents immobiliers ?
    T.C. :
    Désormais, on sait que la personne qui pousse la porte d'une agence est allée voir sur le web en amont, car c'est l'outil de connaissance du marché. Mettre un bien en ligne est donc indispensable pour faire partie de l'offre globale. Cela sert à mettre le bien en avant, mais ça n'a pas augmenté la vente entre particuliers : on estime que le marché reste à 60% détenu par des professionnels, et à 40% par des particuliers. Maintenant, il faut avoir une vitrine virtuelle et physique. Internet permet de caler la recherche, mais c'est une aide à la décision, pas un outil de vente.
    Maison à part : Quel est l'impact des normes vertes, notamment les projets de loi liés au Grenelle de l'environnement, sur le métier de l'agent immobilier ?
    T.C. :
    Le premier critère de choix est la performance énergétique, alors que ce n'était pas le cas il y a encore un an. Voila l'impact majeur : les acquéreurs font attention à l'isolation, à la nature du chauffage, au double vitrage, etc. Et à partir du 1er janvier, le Diagnostic de performance énergétique (DPE) devra figurer sur les annonces de vente ; du coup, un bien affichant une très bonne performance énergétique va attirer plus de monde, et à l'inverse, les immeubles des années 1970 deviennent plus difficiles à vendre. L'agent immobilier le sait très bien, et à présent, lorsqu'il prend un mandat il demande au propriétaire d'avoir fait faire les diagnostics au préalable, afin de déterminer le prix de la maison.
    Maison à part : Quelles sont les nouvelles problématiques abordées lors des formations et dans les écoles ?
    T.C. :
    Aujourd'hui, plus qu'hier et moins que demain, on ne vendra plus un bien comme on l'a fait avant. Le client est informé, il n'a pas les mêmes questions qu'auparavant. De plus, il est devenu difficile d'obtenir un financement, on ne veut donc pas se tromper et on prend un maximum d'informations. Au début des années 2000 c'était un peu la loterie, c'était un marché de vendeurs. Maintenant, on est dans un marché d'acheteurs, qui sont donc très exigeants, et cela contribue à tirer la qualité des biens vers le haut. Afin de faciliter la vente, l'agent peut conseiller au propriétaire de faire établir des devis, pour savoir quel sera le montant des travaux pour l'acquéreur. Cette profession est devenue un métier de conseil : on a toujours insisté sur le service au client, qu'il soit acheteur ou vendeur. Il faut savoir accompagner, par exemple lorsque le propriétaire n'a pas préparé les devis, nous devons le faire pour faciliter l'achat de l'acquéreur. Concernant les formations ponctuelles, nous sommes en veille perpétuelle pour informer au mieux les agents sur les changements dans la fiscalité immobilières, et toutes les lois dont ils doivent avoir connaissance pour servir au mieux les clients.
    Maison à part : L'agent devient donc un conseiller ?
    T.C. :
    On va vers plus de service et d'accompagnement. Bientôt, on verra en France ce qui se fait déjà dans d'autres pays, à savoir la proposition de services annexes tels que la plomberie, le déménagement, ou les démarches de changement d'adresse pour l'électricité. On ne pourra plus être agent immobilier par opportunité, mais par passion. On va arriver à une véritable relation de confiance, comme cela existe pour les concessionnaires automobiles. L'agent se fera connaitre par le bouche à oreille, et les recommandations de vendeurs ou d'acheteurs précédents.
    Thierry Cheminant, Fnaim : «On ne vendra plus un bien comme on l'a fait avant»

    Les experts immobiliers dubitatifs sur les effets des normes environnementales

    maison verte
    maison verte © MAP
    Si le principe de norme environnementale semble avoir intégré le secteur de l'immobilier, ses retombées en termes de valeur ajoutée à un bien semblent encore floues. Mais selon la Chambre des experts immobiliers de France - Fnaim, cela pourrait évoluer avec l'arrivée de nouvelles lois.
    "Les normes environnementales ? C'est la pagaille, car le législateur est en retard", affirme Gérard Adriaenssens, président de la Chambre des experts immobiliers de France - Fnaim. Si nombre de ces normes ont fleuri et se sont multipliées depuis plusieurs années, les experts chargés de l'évaluation des biens ne cachent pas leur scepticisme devant ce que Gérard Adriaenssens appelle un "maquis de normes et de réglementations".
    Alors que le Grenelle 2 peine à tenir ses promesses, le marché du bâtiment et de l'immobilier tente de normaliser les notions d'économie d'énergie et de développement durable, via des certifications délivrées par des cabinets privés. Mais tant que l'obligation de respecter ces normes n'est pas légiférée, il semble difficile d'évaluer la plus-value qu'elles apportent à un bien immobilier. Si les expertises tiennent compte des mesures du Grenelle de l'environnement pour fixer la valeur des biens, ce n'est pas la qualité HQE mais plutôt la distance avec le centre-ville qui joue : les biens excentrés deviennent de moins en moins faciles à vendre. Mais pour Patrick Siksik, expert Fnaim du secteur résidentiel, pour que les normes soient comptabilisées, il faudrait établir "une quotation ou un coefficient, comme pour les voitures ; à l'heure actuelle, on ne peut pas décoter un appartement ancien".

    Pas encore d'impact

    Idem dans l'immobilier tertiaire. «Il est très difficile de déterminer la part positive de la norme HQE ou la part négative d'absence de souci environnemental», estime Denis François, expert de ce secteur. Et pour cause, à l'heure actuelle seulement 3 à 4% du parc de bureaux respecteraient cette norme. «D'ici à trois ans, nous devrions avoir plus d'éléments de comparaison. Il faudra alors analyser les charges locatives et de fonctionnement». En somme, les immeubles tertiaires ne répondant pas aux normes HQE n'en sont pas désavantagés, cependant «cela peut changer très vite sous l'influence du calendrier législatif et l'effet de la demande des utilisateurs», indique Denis François. En effet, l'acheteur ou locataire a déjà tendance à aller plus facilement vers un bâtiment HQE lorsqu'il a le choix.
    Les experts immobiliers dubitatifs sur les effets des normes environnementales
    Articles qui devraient vous intéresser
     
    Recevez gratuitement
    La newsletter Maison à Part
    L'e-magazine de l'habitat sous tous les angles
    Vous pouvez vous désabonner en un clic