Implanté à l'entrée du Vieux-Port à Marseille, le MuCEM imaginé par l'architecte Rudy Ricciotti immerge progressivement afin de pouvoir ouvrir au public début juin. Avec sa dentelle fine en béton, il illumine par son ingéniosité et sa finesse artisanale. Visite.
In and out... Le MuCEM, musée consacré aux cultures de la méditerranée, dégage une atmosphère bien particulière iodée, décontractée, orientale, pittoresque, que ce soit de l'extérieur ou de l'intérieur.
"Vues, mer, soleil, minéralité doivent être instrumentés par un programme qui deviendra fédératif et cognitif", explique Rudy Ricciotti. Les mensurations du projet : une surface de 15.510 m2, mais surtout un carré de 72 mètres de côté dans lequel s'insère un autre carré de 52 mètres de côté. Mais ce qui attire l'attention des riverains c'est la résille, véritable dentelle réalisée entièrement en béton. Soit au total 400 panneaux pour la façade et la toiture. De la couture. Ou plutôt de la haute-couture.
Un matériau que l'on retrouve à tous les étages : "
Un seul matériau à la couleur de poussière mate écrasée par la lumière, hors la vue des brillances et consumérismes technologiques, fera l'éloge du dense et du fragile", explique l'architecte. Un constat que l'on fait non seulement lorsque l'on se promène dans les espaces du musée, mais surtout dans la faille périphérique qui se trouve entre la résille et le bâtiment. Ici, des allées permettent de flâner et d'avoir une vue sur le fort Saint-Jean et la mer, mais également sur l'intérieur du site. Ces rampes de circulation forment sans conteste des liaisons entre l'intérieur et l'extérieur : "
Le projet en équerre externe ne contamine pas la part muséale", précise Rudy Ricciotti. Enfin, au sommet du musée, une toiture terrasse avec un restaurant dispose d'une passerelle afin de relier le fort Saint-Jean, situé juste en face.
Côté muséographie, au rez-de-chaussée, le public découvrira une exposition de référence pour un parcours permanent. Ici, place à la présentation des étapes majeures de l'histoire des civilisations méditerranéennes. Au second étage, deux grandes expositions par an seront dédiées aux sociétés, aux villes, aux lieux ou aux hommes qui font la méditerranée.
Les Hommes, un élément essentiel dans le programme. Importance pour l'architecte : mettre en avant la mutualisation et la fédération des compétences*. Privilégiant le process artisanal, Rudy Ricciotti a tenu à ce que son projet soit ancré dans la territorialité. Avec son regard politique et personnel, il explique : "
Lorsque nous dessinons un bâtiment, il est important de savoir quelle est la part de mains d'œuvre dans celui-ci". Et d'ajouter : "
La chaîne courte de production participe au raisonnement d'un projet". Par exemple, les solutions préfabriquées en béton fibré à ultra hautes performances, BFUHP, proviennent de l'usine Bonna Sabla de Vendargues près de Montpellier : "
Une fabrication franco-française, sans matériau importé, avec un engagement fort dans les objectifs de respect de l'environnement et de développement durable", indique Patrick Mazzacane, directeur BFHUP chez Bonna Sabla. Dans un même esprit, une clause d'insertion par l'emploi a jalonné le chantier. Le MuCEM porte donc bien son titre de musée des civilisations. Un musée fait par des Hommes et pour des Hommes.
*Le groupement retenu sous l'égide de Vinci comprend l'entreprise Dumez pour le gros œuvre, de Freyssinet pour la conception, la pose et la mise en tension, Ductal et Bonna Sabla pour la préfabrication. Les bureaux d'études sont structure Ile de France pour le gros œuvre et Lamoureux et Ricciotti Ingénierie pour le BFHUP et les planchers de grande portée.
Lire en page 2 l'explication technique du projet
Un musée, une prouesse technique
Passerelles, dentelles, le MuCEM se distingue par son esthétique. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu mettre à contribution différents corps de métier. Explications.
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C'est une aventure de métiers", clame Rudy Ricciotti, architecte en parlant du MuCEM. En effet, par sa géométrie, ses matériaux, il a fallu développer des procédés capables de rendre l'idée de l'architecte réalisable.
Premier obstacle : le projet a dû faire face à un nouveau zonage sismique entré en vigueur en mai 2011 et donc passer à l'évaluation du comportement des structures au contact du feu. La construction est elle aussi complexe. Ce qui n'a pas empêché les acteurs du projet de relever des défis. Ainsi, le matériau choisi, le BFHUP, est une première pour un équipement public. Traction, compression... il a fallu intégrer ces paramètres à la réalisation des pièces béton. Ainsi pour offrir le rendu final, "
il faut suivre les courbes tout au long de leur développement en tenant compte de leur section, cylindrique pour les poteaux, trapézoïdale pour la résille", explique un communiqué du maître d'ouvrage, OPPIC, qui est rattaché au ministère de la Culture. Afin de maîtriser la conception des éléments et éviter des déformations, il a fallu passer des câbles dans des gaines pour les faire traverser dans la structure et les tendre avec des vérins. Et chaque pièce a eu une attention particulière. Les poteaux et la passerelle emprunte la technique de la précontrainte par post-tension et les planchers utilisent la pré-tension avec des éléments de 23 mètres de longueur.
Et le résultat est là : 308 poteaux arborescents qui se déclinent en trois familles et peuvent grimper jusqu'à 8,79 mètres. Ici, le béton BPHUP est constitué de fibres métalliques et de fibres en polypropylène intégrés dans l'amalgame du coulage. Le poteau est coulé dans un moule placé verticalement de manière à mettre les fibres dans le sens des efforts repris par la structure. "
La difficulté repose sur l'empilage granulaire ultra-performants car on ajoute des fibres qu'il faut bien répartir dans l'ensemble des éléments pour assurer la résistance du matériau", explique Patrick Mazzacane, directeur BFHUP chez Bonna Sabla, entreprise spécialisée dans le béton préfabriqué.
La résille et la passerelle, deux éléments forts
Concernant la résille, en façade, elle est tenue horizontalement par des bracons bi-articulés avec un cadran à chaque extrémité. Objectif : ne pas créer d'efforts parasites. La résille de toiture est posée sur une ossature métallique et sur des potences extérieures, désolidarisée de ces ossatures au moyen de ressorts en polyuréthane. Quant à la passerelle qui relie le musée au fort Saint-Jean, elle dispose de 25 voussoirs de 4,5 mètres de long préfabriqués en atelier et assemblés en post-tension. Au final, un véritable travail d'équipes où se sont côtoyés ingénieurs, architectes, entreprises dans un seul et même but : faire un musée technique mais surtout architectural.
Un musée, une prouesse technique
Deux architectures à proximité
Deux architectures à proximité - Mucem © Céline Galoffre
Le MuCEM est situé juste à côté du CeReM (Centre Régional de la Méditerranée). Ici, deux architectures se côtoient.
Deux architectures à proximité
Une architecture béton
Le projet, qui s'étend sur plus de 15.000 m2, présentera entre autres les étapes majeures de l'histoire des civilisations méditerranéennes.
Une architecture béton
Une résille en béton
Une résille en béton - Bonna sabla © Bonna sabla
La résille, véritable dentelle réalisée entièrement en béton. Soit au total 400 panneaux pour la façade et la toiture.
Une résille en béton
Potence - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Potence - Bonna sabla © Bonna sabla
Au total, le musée dispose de 35 potences de toiture.
Potence - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Toiture terrasse - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
POtence © Céline Galoffre
Au sommet du musée, on trouve une toiture terrasse qui met en scène des potence.
Toiture terrasse - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Coursive - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Coursives © Céline Galoffre
Le musée permet de profiter de l'extérieur grâce à des coursives qui font le lien entre l'intérieur et l'extérieur.
Coursive - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Résille - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
La résille offre un point de vue sur la mer.
Résille - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Détail dentelle - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Détail dentelle - résille © CG- batiactu
Détail dentelle - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Résille en toiture
La résille de toiture est posée sur une ossature métallique et sur des potences extérieures, désolidarisée de ces ossatures au moyen de ressorts en polyuréthane.
Résille en toiture
Poteau arborescent - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Le musée requiert de 308 poteaux arborescents qui se déclinent en trois familles et peuvent grimper jusqu'à 8,79 mètres.
Poteau arborescent - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Intérieur - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Pour le chauffage, la proximité à la mer a permis d'envisager que la production pour le chauffage et le refroidissement des locaux puisse être traité grâce à un système de pompage/rejet d'eau de mer alimentant des équipements thermo-frigorifiques.
Intérieur - Rudy Ricciotti, le dentelier du MuCEM
Fiche technique
Maître d'ouvrage : opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) Maîtrise d'œuvre : Architecte mandataire : Rudy Ricciotti C+T architecture/ Roland Carta : architecte associé Garcia ingénierie : BET fluides SICA : BET structures CEC : économiste Thermibel : acoustique ADRET : HQE In situ : paysagiste L'observatoire 1 : éclairagiste Budget : construction du bâtiment : 102,423 millions d'euros TDC et coût des travaux : 74.642 millions d'euros TTC Début des travaux : septembre 2009 Livraison du bâtiment : de février à mai 2013