Architecte d'intérieur, un vrai métier

    Publié le 24 juin 2010 par Propos recueillis par Céline Chahi
    Bien que certains d'entre eux soient médiatisés, les architectes d'intérieur ont toujours du mal à se faire connaître et surtout reconnaître : pourquoi ne trouvent-il pas de légitimité alors qu'ils détiennent de réelles compétences ? Réponses avec Étienne Prost, président du conseil français des architectes d'intérieur (CFAI).
    Maison à part : Pour commencer, pouvez-vous définir en quelques mots le concept d'architecture d'intérieur ?
    Étienne Prost : Avant toute chose, une précision terminologique s'impose car, si nous sommes bien des architectes d'intérieur, la discipline que nous exerçons s'appelle l'architecture intérieure et non pas l'architecture d'intérieur. Elle consiste à aménager des espaces dans le cadre bâti et peut d'ailleurs être considérée, à ce titre, comme une spécialité de l'architecture. Nous passons 80% de notre temps dans des espaces fermés - maisons, gares, hôpitaux...- et ces espaces, qu'ils soient anciens ou neufs, même s'ils ne sont que traversés, ont sans cesse besoin d'être rénovés ou modifiés, afin d'offrir aux gens un cadre de vie agréable.
    MAP : Maisons, gares, hôpitaux... Un architecte d'intérieur peut donc être amené à aménager des bâtis de nature et d'usage très différents...
    E.P. : Oui, effectivement. Cela va de l'habitat collectif ou individuel à l'hôtellerie - la demande est très forte concernant les maisons de retraite - en passant par le secteur commercial - les boutiques, les restaurants... - et tertiaire, c'est-à-dire les bureaux. A noter que l'art d'aménager les bureaux s'appelle le « space-planning », une discipline dont certains architectes d'intérieur ont d'ailleurs fait leur spécialité.
    MAP : Où s'arrête et où commence son champ d'intervention ?
    E.P. : L'architecte est capable de gérer un projet dans sa globalité, depuis la conception des plans, jusqu'au suivi de chantier en passant par la prise en charge de tous les aspects administratifs et réglementaires. En résumé, un architecte d'intérieur endosse la casquette de maître d'œuvre, au même titre qu'un architecte ou un ingénieur.
    MAP : Dès lors, qu'est-ce qui distingue un architecte d'intérieur, d'un architecte ?
    E.P. : La principale différence réside dans le fait que seul un architecte est habilité à déposer une demande de permis de construire pour une surface supérieure à 170 m2. Par ailleurs, l'acte de construire un bâtiment reste le champ d'intervention réservé des architectes. Nous le savons et que ce soit clair : nous ne cherchons pas du tout à empiéter sur leurs plates bandes !
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    Formation et compétences

    MAP : Comment devient-on architecte d'intérieur ?
    E.P. : Les écoles qui proposent des formations pour devenir architecte d'intérieur sont nombreuses, mais seule une poignée d'entre elles délivrent de réelles compétences. Pour que les étudiants puissent s'y retrouver, le CFAI a mis au point, en s'appuyant sur la Charte de la formation des architectes d'intérieur élaborée en 1996, une certification qui est délivrée après observation des systèmes pédagogiques et analyse de leurs résultats. A ce jour, treize écoles en bénéficient parmi lesquelles des établissements prestigieux comme, par exemple, l'école Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD), l'école Boulle, l'école Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d'Art (ENSAAMA), l'école Camondo ou bien encore l'école Supérieure d'Arts Graphiques et d'Architecture Intérieure (ESAG).
    MAP : Selon vous, quelles qualités faut-il avoir pour un être "bon" architecte d'intérieur ?
    E.P. : Le plus important est d'avoir à la fois une fibre artistique pour dessiner de belles choses et un esprit technique pour les faire réaliser. Il faut également avoir une large ouverture d'esprit car l'idée n'est pas de refaire ce qui a déjà été fait mais, au contraire, de toujours chercher à innover.
    MAP : Il y a trois ans lorsque nous vous avions interrogé votre prédécesseur (lien), Thierry Conquet, le CFAI déplorait le fait que la profession n'était pas assez réglementée. Les choses ont-elles changées ?
    E.P. : Non, malheureusement, nous sommes toujours dans la confusion la plus totale et c'est une véritable blessure pour nous. La situation est paradoxale puisque l'Etat paye des professeurs pour former des élèves mais il ne les reconnaît pas une fois qu'ils sont diplômés. Aucune instance, aucun arrêté administratif, ne contrôle l'exercice de notre profession. Résultat : aujourd'hui, tout le monde peut pendre le titre d'architecte d'intérieur. Nous nous sommes beaucoup battus et nous battons encore pour faire valoir nos compétences, mais jusqu'ici nous n'avons obtenu aucun résultat. Du coup, au CFAI, pour nous protéger, nous délivrons un certificat de reconnaissance des compétences permettant d'exercer les missions d'architecture intérieure.
    MAP : Les cas où l'on adopte à tort votre appellation sont-ils encore nombreux ?
    E.P. : Il y a toujours des gens peu scrupuleux qui usurpent notre titre, mais il faut quand même reconnaître qu'ils sont moins nombreux qu'avant. Cette tendance à la baisse s'explique par le fait que les gens qui prétendent faire le même métier que nous, empruntent désormais des appellations plus « exotiques » que la nôtre, telles que "home-stager", par exemple, ou "relookeur".
    Formation et compétences

    Evolutions et perspectives

    MAP : A l'époque de notre dernier bilan vous nous aviez également confié que les particuliers hésitaient à faire appel à vous, notamment à cause du coût des prestations. Ont-ils changé d'appréciation ?
    E.P. : Les mentalités ont énormément évolué à ce niveau là. Désormais, les gens ont compris que même si notre intervention représente un certain coût, elle pouvait s'avérer un investissement intéressant notamment pour valoriser leur bien immobilier.
    MAP : Alors justement quelle valeur ajoutée apporte l'intervention d'un architecte d'intérieur ?
    E.P. : Un architecte d'intérieur aide les gens à transcender leur projet en imaginant une création sur-mesure et qui a du sens. Il réalise un vrai travail de fond sur les volumes, les espaces, les circulations, les ouvertures...
    MAP : L'architecture intérieure est actuellement placée sous les feux des projecteurs notamment par le biais de la télévision. Quel regard portez-vous sur cette médiatisation ?
    E.P. : Globalement, l'impact de ces émissions est plutôt positif car elles aident à mieux faire connaître notre profession auprès du grand public. Après, le problème est qu'elles véhiculent une vision déformée de la réalité. Faire croire aux gens que l'on peut totalement repenser un espace en quarante-cinq minutes, est un pur mensonge !
    MAP : En architecture intérieure, quels sont ceux qui, à vos yeux, font vraiment figure de référence ?
    E.P. : En général, lorsque mes étudiants me posent la question, je cite les noms d'Eileen Gray, de Jacques-Emile Ruhlmann ou de René Herbst. Plus proches de nous, il y a aussi Andrée Putman, Pierre Paulin, Réna Dumas, Jean-Michel Wilmotte ou Philippe Starck. Chacun d'entre eux, à leur époque, a apporté quelque chose de nouveau à l'architecture intérieure.
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